vendredi 19 mars 2010
Ce gentilhomme écossais avait 33 ans quand il prit le commandement de la 1st Special Service Brigade, nouvelle et prestigieuse division des Royal Marines. C’est donc à la tête de 65 hommes qu’il devait débarquer sur Sword Beach en Normandie, à l’aube du 6 Juin 1944. 
 
Ses officiers connaissaient leur homme. Ils lui avaient promis que l’opération ne serait pas difficile: une fois débarqués, les Anglais n’auraient plus qu’à se livrer à une grande partie de chasse, tirant l’Allemand dans les plaines normandes “aussi facilement que des lapins dans une garenne”. Du beau sport en perspective, donc. 
Homme de principe, lord Lovat ne débarque pas dans son uniforme réglementaire. Il faut s’imaginer le débarquement (ou tout simplement se souvenir de la première scène du Soldat Ryan). Les balles fusent, les corps se déchirent. Les Maschinengewehr 34 allemandes plombent inlassablement les jeunes corps des soldats anglais qui débarquent sans espoir).

Dans cet enfer, une mélodie de cornemuse. Bill Millin, le piper personnel du Brigadier Fraser joue sans relâche “Highland Lady”, alors que leur Landing Craft Tank les dépose sur la plage. Lord Lovat lui a demandé de jouer pour encourager ses hommes qu’il sent un peu fébriles. C’est en premier également que, le coeur haut, Lovat saute sur la plage ravagée. On dit que, de surprise, les Allemands ont cessé de tirer pendant quelques secondes. Le jeune lord débarquait donc au coeur de l’Apocalypse en pantalon de velours, pull-over et veste en tweed, son feutre vert élégamment orné d’une plume de faisan, le fusil de chasse aux canons juxtaposés nonchalamment brisé sur le bras gauche. Derrière lui, sans autre arme que sa cornemuse, Bill Millin. Instant sacré où, dans la fumée qui se dissipe des canons brûlants, les blockhaus ne résonnent plus que d’une danse écossaise.

Dans une interview qu’il accorde à Danielle Costelle en 1968 (INA), lord Lovat revient sur l’événement. Interrogé dans le parc de son château de l’Aberdeenshire, il explique dans un français légèrement chantant qu’on lui avait promis une partie de chasse, et qu’il s’est toujours refusé à tirer la moindre bête en tenue militaire. Il avale une gorgée de Scotch et dépose son verre sur le bras de son fauteuil, un sourire au lèvres: “Mais nous avons dû faire face à un ennuyeux problème, ce jour là: les Allemands ne rentrent pas très bien dans nos gibecières”.

Le 6 Juin 1944, donc, les anglais progressent et prennent finalement la plage. Il est midi passé, Lovat doit conduire la Brigade Spéciale au célèbre Pegasus Bridge où l’attend le Colonel Geoffrey Pine-Coffin. Ses hommes de l’Oxs & Bucks Light Infantry tiennent la place depuis l’aube et commencent à fatiguer. Le rendez-vous avait été fixé quelques jours auparavant pour 13H30, mais ce n’est que cinq minutes plus tard que Lovat et ses hommes parviennent au pont, le pas vif, les joues rosies par l’air marin, pendant que Bill Millin joue, imperturbable “Blue Bonnets over the Border”. Pine-Coffin, médusé, ne trouve rien à répondre quand Lovat, lui secouant la main, lui présente ses excuses: “Sorry, I’m late.”

Dans une lettre à Staline, Churchill rend cet hommage au redoutable gentleman: “The mildest mannered man that ever scuttled a ship or cut a throat”.

Cassagnac

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